Les carnets de Carine et Laurent

Une nounou à domicile

Depuis quelques mois, Amélie a une nounou. Joni (c’est son nom) est une jeune femme philippine, qui s’occupe d’Amélie et de la plupart des tâches ménagères, et habite avec nous, dans une minuscule chambrette à côté de la cuisine.

Même si nous sommes, pour le moment, plutôt contents de cette situation, cela reste un élément de notre vie à Singapour sur lequel nos sentiments sont très partagés.

 

On a assez longuement hésité avant de recourir au système, très commun ici, de « live-in maid » – en français, « bonne à domicile », pour des raisons pratiques (la perspective de partager notre vie privée avec une étrangère à la famille) autant que morales (le principe d’avoir une « domestique » à la maison, bof bof).

Finalement, après mûre réflexion, nous sommes quand même arrivés à la conclusion que pour la garde d’Amélie, avoir une nounou à domicile serait une solution plus flexible et plus économique que la crèche, et que par ailleurs, on n’était pas obligé de la traiter comme un sous-être humain (ce qui est apparemment assez courant).

 

Avant d’être autorisés à installer notre « ayi » (par habitude, on continue aussi à employer ce terme chinois, qui se traduit littéralement par « tata » et correspond bien au concept de nounou) dans l’appartement, nous (enfin, Laurent) avons dû suivre une formation nous rappelant les règles de base pour bien s’en servir :

– Non, on ne peut pas l’enfermer dans l’appartement quand on part en vacances pour l’empêcher de sortir

– Non, on ne peut pas l’obliger à faire les carreaux côté extérieur en se penchant par la fenêtre ouverte au 10ème étage

– Non, un seul repas par jour ne suffit pas, et on ne peut pas non plus la nourrir uniquement de riz

– Non, une heure ou deux de sommeil par nuit ne constituent pas un temps de repos raisonnable

– Non, on n’est pas sensé la faire dormir par terre dans la cuisine

– Et le reste à l’avenant…

Le tout sous forme de questions-réponses, suggérant fortement qu’il s’agit là de FAQ – des questions posées pour de vrai et qui reviennent souvent (franchement !).

 

Il faut donc suivre un certain nombre de règles élémentaires. En revanche, rien ne nous oblige à lui donner plus de deux jours de congé par mois, à la laisser utiliser le téléphone ou l’ordinateur, à lui laisser la possession de son passeport (l’agence de recrutement par laquelle nous sommes passés a conseillé de Laurent de le garder par devers nous)…

Apparemment, la plupart des gens ne font pas confiance à leur maid et ne la laissent pas toute seule avec les enfants. Donc, par exemple, si la nounou emmène l’enfant à l’aire de jeu, la mère vient aussi, pas pour s’occuper du môme, mais pour surveiller la nounou (perso, je ne vois pas l’intérêt). On ne comprend pas bien comment on peut laisser la charge de ses enfants à quelqu’un en qui on a si peu confiance, ou encore pire, mal traiter (voire maltraiter) quelqu’un à qui on confie ce qu’on a de plus précieux – la logique nous dépasse un peu. Evidemment, des tas d’histoires horribles circulent sur les maids qui ont fait ceci ou cela, ce qui ne fait qu’entretenir la méfiance générale.

 

En ce qui nous concerne, Joni est maintenant un membre de la famille à part entière, et avant tout, elle est là pour s’occuper d’Amélie, même si elle s’occupe aussi de la maison ; grâce à elle, Amélie peut passer ses journées à l’aire de jeux avec ses petits copains et copines (il y a plein d’enfants entre un et trois ans dans notre résidence, de diverses nationalités, et tous les jours, les nounous de la résidence se donnent rendez-vous dans le parc voisin à grand renforts de SMS. On a d’ailleurs commencé la ronde des goûters d’anniversaires…). Pendant ce temps, Laurent peut se consacrer pleinement a sa recherche de boulot.

Avant de venir à Singapour, Joni était institutrice en maternelle aux Philippines (c’est pour ça que nous l’avons choisie, d’ailleurs, après avoir interviewé plusieurs candidates) mais elle gagne mieux sa vie en faisant la maid à Singapour loin de sa famille ; elle a quatre enfants, qui vivent aux Philippines avec leur père et/ou leur grand-mère. La plupart des maids Philippines à Singapour sont dans la même situation – c’est franchement triste quand on y pense. On ne peut pas s’empêcher de penser qu’on contribue, nous aussi, à entretenir un système pernicieux, même si c’est pour nous un confort incroyable d’avoir cette aide à domicile, et même si Amélie adore sa nounou qui le lui rend bien.

Une réflexion au sujet de “Une nounou à domicile

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