Pour développer notre cabinet de conseil Elivert, nous avons décidé de rejoindre une SCOP, ou plus précisément une coopérative d’entrepreneurs (CAE). Un an après notre retour, petit point sur notre aventure entrepreneuriale et les raisons de ce choix.
A notre retour l’année dernière, après avoir longuement étudié la question, nous nous sommes installés en tant qu’auto-entrepreneurs. Cette solution nous était alors apparue comme la plus pertinente, non seulement pour commercer à tester rapidement et sans risque notre projet (c’est bien la raison d’être de ce statut), mais aussi, dans notre cas particulier, pour bénéficier immédiatement d’une couverture santé (car comme le savent les parents de jeunes enfants, pendant l’année scolaire, on rend souvent visite au médecin !). Et en effet, elle nous a permis de nous installer sans trop de déboires administratifs.
Les limites du système, cependant, se sont manifestées très vite. Je ne parle évidemment pas du plafond de chiffre d’affaires, que nous sommes très (très !) loin d’avoir atteint dans cette première année… Mais le régime de l’auto-entrepreneur est très clairement conçu pour travailler de façon isolée : pas de collaboration possible (officiellement) entre deux AE, pas d’utilisation de supports de communication communs, … Bref, cela ne convenait pas à notre projet. D’un point de vue plus général, nous pensons d’ailleurs que cet isolement renforcé n’est pas idéal, car peu propice à la réussite d’une entreprise : il faut au contraire rencontrer du monde, échanger des idées, partager ses difficultés… On peut comprendre la nécessité de bien encadrer le statut d’AE, mais cet aspect « seul dans mon coin » ne favorise certainement pas la pérennité des activités créées.
En ce qui nous concerne, nous avions toujours imaginé ce passage en auto-entrepreneurs comme temporaire. Après cette période d’essai, pensions-nous, nous allions créer une « vraie » entreprise, une SARL (ou autre chose) avec un vrai statut juridique et tout le tralala. Bien sûr, nous savions déjà que c’était compliqué, que les charges seraient lourdes et qu’il faudrait consacrer énormément de temps et d’énergie aux tâches administratives, sans parler de la nécessité de se mettre constamment à jour sur les changements dans l’environnement juridique, fiscal, administratif.
Pour être tout à fait honnête, au bout de quelques temps, nous avons trouvé que même le régime hyper simplifié de l’auto-entreprenariat était bien compliqué. On n’est peut-être pas particulièrement doué en décodage de langage administratif, mais franchement, si c’est ça le régime « simple », qu’est-ce que ça doit être quand ça ne l’est pas ?
Petit à petit, l’idée de la coopérative d’activités, dont nous avons entendu parler au fil de nos rencontres, a fait son chemin. Au mois de juin, nous sommes donc allés voir Crealead à Montpellier et nous en faisons maintenant partie depuis le 1er septembre.
Une coopérative d’activités, kesaco ?
Pour dire les choses de façon très simple, une CAE (Coopérative d’Activités et d’Emploi), c’est une entreprise partagée. Des co-entrepreneurs indépendants se regroupent dans une structure qui prend en charge la gestion administrative de l’entreprise. Les fonctions « support » : comptabilité, juridique, facturation, recouvrement des créances, sont mutualisées, de même que certains contrats (comme l’assurance responsabilité civile professionnelle), ce qui nous permet d’avoir des tarifs négociés.
Suivant le principe du portage salarial, le chiffre d’affaire rentré par chaque co-entrepreneur lui est reversé sous forme de salaires, imposables donc au titre de l’IR. Nous passons donc sous un statut salarié (ce qui, au passage, est plus avantageux du point de vue couverture sociale que notre statut précédent de profession libérale) et, comme tout salarié, nous avons droit (et accès) à un certain nombre d’heures de formation.
Cependant, contrairement à un salarié « classique », nous n’avons pas un salaire fixe versé quoi qu’il arrive par l’entreprise. Ce salaire, c’est à nous de décider de son montant et même de sa fréquence, à condition évidemment que notre activité génère du chiffre d’affaires. Si on ne vend pas, on ne peut pas se payer ! Et chacun gère son activité de façon indépendante : utilisation de sa propre marque (ou pas), organisation de sa prospection commerciale, fixation des prix, conditions de règlement, … C’est pour ça que nous nous définissons comme des co-entrepreneurs, et non des employés (d’ailleurs, d’après ce que nous avons compris, les CAE s’appelaient avant Coopératives d’Activités et d’Entrepreneurs. On ne sait pas exactement quand ni pourquoi elles seraient devenues « et d’Emploi », mais ça ne reflète vraiment pas la philosophie des CAE)
Nous avons un intranet, sur lequel nous pouvons consulter directement les comptes de notre activité : compte de résultats, trésorerie, état des factures. Nous sommes également accompagnés par un référent, c’est-à-dire un co-entrepreneur chevronné qui nous aide à piloter notre projet et nous conseille. Enfin, la coopérative est également organisée comme un réseau d’affaires, favorisant la collaboration entre co-entrepreneurs. Bien entendu, la structure est rémunérée pour l’ensemble de ces services mutualisés.
Qui dit coopérative, dit ESS
Bizarrement, bien que les CAE existent depuis 1995, ce n’est pas une solution très valorisée lorsqu’on se renseigne sur la création d’entreprise. Elle est assez souvent présentée comme une solution temporaire pour tester son projet (un peu comme le régime de l’AE ou comme une couveuse d’entreprise) alors que l’on peut en réalité y rester très longtemps et devenir associé. Tout dépend évidemment de l’activité et de ce qu’on veut en faire. Si on a envie de revendre son fonds de commerce plus tard, ou d’embaucher des employés, le cadre de la CAE ne convient pas. Si, comme nous, on vend essentiellement son savoir-faire individuel, c’est tout à fait approprié. Il y a sûrement d’autres limites que nous n’avons pas encore découvertes, puisque nous venons de commencer.
Quoi qu’il en soit, ce qui nous plaît aussi dans ce concept, c’est que les CAE appartiennent au réseau plus large des coopératives : ce sont des SCOP, Sociétés Coopératives et Participatives (contrairement à ce qu’on pourrait croire en lisant les médias, la SCOP n’est pas seulement la solution de dernier recours pour sauver les entreprises en perdition) et à ce titre, elles s’inscrivent dans le domaine de l’ESS (Economie Sociale et Solidaire). C’est un bel exemple d’économie collaborative : travailler ensemble, échanger les expériences, s’entraider, mettre des ressources en commun, assumer ensemble les responsabilités, prendre des décisions communes,… En bref, les avantages d’une entreprise sans les inconvénients !
Nous vous dirons par la suite si l’expérience tient ses promesses…
A lire
Un peu vieux (2008) mais toujours d’actualité
Et sur l’incontournable site de l’APCE
belle plume 😉