Les carnets de Carine et Laurent

Ciel, un épisode cévenol !

En cette période de tempêtes, on entend parfois parler d’épisode cévenol. Une terminologie pas toujours employée à bon escient, mais qui évoque inévitablement un désastre : pluies diluviennes et inondations redoutables.

Qu’est-ce donc qu’un épisode cévenol ?

Comme son nom l’indique, c’est un phénomène météorologique assez caractéristique des Cévennes et du Piémont cévenol (ça, c’est chez nous).

 

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Source: rtl.fr

Explication technique empruntée à Météo France :

Le relief des Cévennes a une assez forte pente de la mer vers l’intérieur. Lorsqu’un vent marin (soufflant des directions sud à sud-est), s’établit de la Méditerranée vers les Cévennes, il amène une masse d’air chaude et humide, qui, soulevée par le relief, se refroidit en prenant de l’altitude comme expliqué plus haut.
Ce refroidissement est rapide. Il entraîne la condensation d’une part importante de la vapeur d’eau disponible, donnant des pluies persistantes sur les versants exposés du relief cévenol. Lorsqu’elles durent plusieurs jours consécutifs, les hauteurs d’eau recueillies deviennent considérables en valeur cumulée, même si l’intensité des pluies reste modérée durant l’épisode.
Avec des pluies persistantes, on observe une montée progressive des cours d’eau jusqu’à leur saturation, éventuellement jusqu’à leur débordement.
Si, en outre, le vent marin est fort, il provoque une élévation du niveau de la mer accompagnée de houle, qui gênent l’écoulement des fleuves à leur embouchure et favorisent l’extension et la durée des inondations : c’est « l’emplain ». Ce fut notamment le cas en décembre 1997.

Cependant, on notera que des phénomènes semblables se produisent sur tout le pourtour méditerranéen (comme récemment dans le Var), parfois pour les mêmes raisons (on parle de forçage orographique), avec des conséquences similaires. Aussi, selon Météo France, le terme épisode cévenol est impropre et « il est préférable d’utiliser le terme d’ « épisode méditerranéen » », car ce n’est pas spécifique aux Cévennes.

Notre ami le Vidourle

A St Hippolyte, on appelle ça une vidourlade : c’est-à-dire une crue du Vidourle, le fleuve côtier qui coule dans notre village. Le Vidourle est assez tristement célèbre pour ses crues récurrentes, qui concernent à vrai dire peu St Hippolyte (encore qu’il faille s’en méfier) mais qui inondent presque chaque année la ville de Sommières, située en aval. Vous vous souvenez sûrement de ce nom car on en a beaucoup parlé lors de la grande vidourlade (qui a battu les records de niveaux de crues) des 8 et 9 septembre 2002.

Mais le Vidourle n’est pas le seul cours d’eau cévenol à faire ses siennes ; on parle aussi de lézades à Montpellier (crues du Lez), des gardonnades à Anduze ou Nîmes (pour les différents Gardons qui ont donné leur nom à notre département d’adoption). Quand on se promène dans la région, comme par exemple à la Bambouseraie d’Anduze, on est souvent frappé par les repères de crues – à des hauteurs qui paraissent inimaginables par temps sec.

La géographie particulière des « rivières cévenoles » est à l’origine de ces épisodes aussi soudains que violents.

C’est vrai qu’à Saint Hippolyte, à la belle saison, le lit du Vidourle (et celui de l’Argentesse, qui se jette dans le Vidourle juste au pied du village) est vide. On peut pratiquement le traverser à pied sec et la végétation y pousse allègrement. Il semble inoffensif. Mais quand il pleut beaucoup (comme c’est le cas cette année depuis la mi-décembre), l’eau y coule en abondance et le niveau monte rapidement. D’ailleurs, le Vidourle et ses comparses sont en permanence sous haute surveillance. Ils sont d’autant plus dangereux que, d’après les récits historiques, les crues soudaines peuvent survenir en aval sans qu’aucune pluie n’ait alerté la population – la montée des eaux étant provoquée par un orage (cévenol…) en amont du fleuve.

On peut s’étonner que malgré ce phénomène naturel connu depuis fort longtemps, autant d’habitations se trouvent sur le chemin des fleuves et rivières cévenols. Je ne parle pas ici de la polémique contemporaine toujours renouvelée, telle un marronnier, sur la construction en zone inondable, mais plutôt de ces villes et villages historiques, médiévaux, régulièrement inondés comme Sommières. On se dit que nos ancêtres, peut-être moins persuadés de savoir maîtriser les aléas naturels, auraient dû construire sur les hauteurs plutôt que dans le lit des fleuves, mais apparemment il n’en fut rien.

 

Même si les modifications apportées au terrain au cours des derniers siècles, tels que digues, écluses et remblais de chemin de fer n’ont rien arrangé, il semble avéré que dès l’Antiquité les Romains connaissaient le phénomène et en avaient, eux, tenu compte dans la construction de leurs villes, routes et ponts.

Ainsi, l’histoire de Sommières dit que la ville romaine d’origine avait été construite sur le plateau qui domine le fleuve. Après la chute de l’Empire romain et la disparition de l’oppidum, en l’absence de gouvernance, la ville se reforma spontanément au plus près du pont, sur les rives du fleuve. Les maisons médiévales reflètent une certaine méfiance vis-à-vis de l’eau : elles sont construites sur pilotis ou sur arches, les lieux de vie se trouvant dans les étages. C’est d’ailleurs vrai de la plupart des anciennes constructions à Saint Hippolyte et dans les villages de la vallée du Vidourle. Puis il semble qu’au XVIe siècle, les habitants de Sommières commencèrent à annexer le lit du fleuve – très tentant en dehors des périodes d’inondation, car la terre y est évidemment fertile. Comment ne pas vouloir exploiter tout cet espace « gâché » ?

On voit que la mémoire collective est courte, et que ça n’a rien de nouveau!

De nos jours, il existe toutefois un système de surveillance et d’alerte qui permet d’anticiper le risque d’épisode cévenol méditerranéen, à défaut de pouvoir en prédire précisément l’ampleur. Reste à chacun la responsabilité d’en tenir compte et de prendre les précautions adéquates…

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